Pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments, les professionnels du bâtiment et de la construction sont de plus en plus conscients de l’importance d’utiliser des matériaux bio et géo-sourcés, bas carbone et locaux.
Présentant de nombreux avantages, certains d’entre eux sont en plein développement comme la terre crue.

Les avantages de la construction en terre crue

Depuis des milliers d’années, la terre crue a été utilisée dans la plupart des régions du monde, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie. En France, la terre crue a perduré jusque dans les années 1950 pour la construction de bâtiments, mais elle a depuis été remplacée par des matériaux plus industrialisés, comme la brique cuite ou le béton armé.

Cependant, les avantages des techniques de construction utilisant la terre crue sont nombreux en plus de l’aspect écologique :

  • Cela régule l’humidité intérieure : les ouvrages en terre crue ont la capacité d’absorber et de restituer l’eau contenue dans l’air intérieur. La terre crue possède en effet un pouvoir absorbant qui lui permet de s’imprégner de la vapeur d’eau jusqu’à ce qu’un équilibre hygroscopique s’établisse entre le matériau et l’air (Source Les Cahiers Techniques du Bâtiment).
  • Cela apporte de l’inertie thermique grâce à la masse de terre : ce qui participe au confort et à la réduction des consommations dans les bâtiments à faible inertie, tels qu’en construction bois.
  • C’est esthétique : les enduits en terre crue ont une texture et une couleur naturelles et chaleureuses qui peuvent apporter une touche d’authenticité et de caractère à un espace (exemple : la construction en pisé).
  • C’est durable : les enduits en terre crue sont durables et résistants aux chocs et à l’usure, ce qui en fait un choix intéressant pour des projets de construction ou de rénovation à long terme. De plus, en cas de détérioration les enduits peuvent être repris simplement à l’eau.
  • Cela résiste aux incendies : les enduits terre sont reconnus, notamment dans les Règles professionnelles de construction paille, comme une barrière efficace au feu.

Actuellement, les filières émergentes de la terre crue en France se concentrent sur :

  • Le pisé
  • Les enduits
  • La terre coulée
  • La terre allégée
  • Les panneaux extrudés ou comprimés
  • La fabrication de briques de terre comprimée (BTC) et les adobes.

Les BTC sont fabriqués en compressant de la terre dans des moules. Elles peuvent être stabilisées par une faible proportion de chaux ou de ciment (BTCS). Les BTC peuvent être utilisées pour construire des murs porteurs, des cloisons et aménagements intérieurs du type poêle de masse. La terre allégée est coulée ou projetée au sein d’une ossature bois porteuse. La terre crue est également utilisée dans la fabrication d’enduits isolants.

Face à la demande croissante en matériaux biosourcés et au développement de nouveaux produits issus de la R&D , il est aujourd’hui crucial de définir des normes pour la construction en terre crue.

En effet, la réalisation d’ouvrages en terre crue n’est cadrée par aucun NF DTU, Règle Professionnelle (sauf enduit terre crue sur support en terre crue ou support paille), ou Recommandation Professionnelle RAGE. Seuls des Guides de bonnes pratiques traitant des principales techniques de construction terre crue sont disponibles à l’échelle collective. Ces techniques constructives dites « non courantes » restent encore peu acceptées sur les chantiers (assurabilité des travaux).

Le Projet National Terre (PN Terre), placé sous l’égide du Ministère de la Transition Écologique et dont NOBATEK/INEF4 est membre doit conduire tous les acteurs de la filière pour amener ces techniques constructives vers la « traditionnalité » en accompagnant l’évolution des techniques de construction en terre crue, pour massifier l’usage du matériau.

De la nécessité de caractériser la terre crue

Exemple à Louhoussoa (64)

Un exemple concret de la caractérisation de terre est le projet de tiers-lieu de Louhossoa (64), piloté par Label Equipe Architectes et pour lequel NOBATEK/INEF4 a été sollicité pour évaluer le potentiel de la terre du site en effectuant des essais de terrain.

Le futur tiers-lieu accueillera un café-bistrot, une épicerie locale et des activités associatives. Il a été conçu pour être exemplaire en termes de construction durable. Les matériaux biosourcés, géosourcés ou issus du réemploi ont été privilégiés, ainsi qu’une architecture permettant de se passer de climatisation. Les murs du bâtiment seront en ossature bois, l’isolation en bottes de paille et l’enduit intérieur en terre. À l’extérieur, le bardage et l’enduit chaux-sable ont été choisis.

NOBATEK/INEF4 a mené des essais de caractérisation de la terre en effectuant des prélèvements sur site en même temps que les études géotechniques. Cela, en poursuivant deux objectifs :

  • Appréhender de manière concrète la qualité de la terre pour son application dans des méthodes constructives ;
  • Valider la possibilité de réaliser par la suite des enduits en terre crue.

Nos équipes ont conclu que le potentiel argileux du site permettrait de mettre en œuvre cette technique, encadrée par les Règles professionnelles enduit sur terre crue et celles de la Construction en Paille.

Exemple à Bayonne (64)

NOBATEK/INEF4 a été missionné par Communauté d’Agglomération Pays Basque dans le cadre du projet de Pôle ESS à la Place des Gascons à Bayonne. La mission : caractériser les terres du site en amont de la consultation des équipes de Maîtrise d’œuvre, pour déterminer le potentiel d’utilisation de ces terres en construction terre crue. Les prélèvements sur le terrain ont révélé que la terre très sableuse. Sans une correction par mélange avec d’autres terres plus argileuses, elle ne sera pas exploitable en l’état pour la fabrication de murs tels qu’imaginés au départ par la maîtrise d’ouvrage. En revanche, elle pourrait être utilisée en extérieur sous stabilisation.

échantillons terre crue
Tests terre crue
Boule terre crue
panneau de rêvetement terre laine

Projet PAC0 : plaques fines de parement intérieur en terre crue et laine de mouton compressées

Les ressources géo-sourcées et biosourcées limitent l’impact environnemental des solutions constructives, tout en répondant à la RE202. Les plaques terre-laine PAC0 sont destinées à la réalisation de revêtements intérieurs. La laine de mouton est collectée auprès des éleveurs en Nouvelle-Aquitaine, puis ajoutée à de la terre crue pour renforcer le mélange. Il est ensuite comprimé pour former des plaques de 25 mm d’épaisseur. Les plaques sont mises en œuvre par vissage sur une ossature bois, et leur aspect lisse permet de se passer d’un enduit. Les premiers prototypes à l’échelle 1.1 sont en cours de caractérisation.

Partenaires : Laboratoire SIAME de l’UPPA et I2M de l’Université de Bordeaux.

NOBATEK/INEF4 mène des expérimentations avec de la terre crue et des agrégats végétaux pour formuler des mélanges de terre allégée.
Photos : terre et chènevotte. Également à l’étude : miscanthus et paille de blé.

terre crue
mélange terre crue

Créer une filière de valorisation des terres d’excavation en Nouvelle Aquitaine : projet NEXTERRE

En 2019, 7,5 millions de tonnes de déchets de terres et matériaux meubles non pollués ont été générés en Nouvelle-Aquitaine. Ces matériaux représentent 57 % en masse des déchets inertes du BTP (ORDEC Nouvelle-Aquitaine, 2022). La terre excavée est aujourd’hui considérée comme un déchet, alors qu’il peut s’agir d’une ressource exploitable pour la réalisation d’ouvrages en terre crue.

Encourager la valorisation des terres d’excavation permettrait de réduire l’impact environnemental de la construction en diminuant notamment les émissions liées au transport des matériaux et l’excavation d’autres ressources minérales comme le ciment, le plâtre, le sable… dont la production est très énergivore ou pose des problèmes environnementaux.

À ce jour, la réalisation d’ouvrages en terre crue à partir de terre excavée nécessite la mise en place d’une organisation complexe (stockage de la terre, préparation, mise en œuvre) gérée chantier par chantier. Le développement de cette pratique nécessite la création d’une filière de valorisation dédiée disposant des outils scientifiques et techniques et logistiques appropriés.

La filière a besoin d’être d’outillée pour fournir une terre à construire aux entreprises et industriels. (méthodes de qualification, de préparation, logistique, …)

Dans le cadre de leur équipe de recherche commune, NOBATEK/INEF4 et le laboratoire universitaire SIAME de l’UPPA ont lancé un nouveau projet de R&D – nommé NEXTERRE – dont l’objectif est de faire émerger une filière de valorisation des terres excavées en Nouvelle-Aquitaine pour la réalisation d’ouvrages en terre crue (terre allégée, BTC, enduits, panneaux de revêtements, …).

Avant tout usage de terres d’excavation sur chantier, il faut les caractériser pour déterminer leur adéquation à une ou des techniques constructives. Il faut ensuite choisir sur critères économiques, techniques et environnementaux entre l’utilisation sur place ou l’envoi en filière de valorisation externe.

Pour traiter les gros volumes de terre, les acteurs impliqués, tels que les géotechniciens, les plateformes de gestion des déchets inertes et les industriels de la terre crue, devront développer une méthode de caractérisation rapide sur chantier et des protocoles de préparation des terres.

Partenaires du projet : SIAME, Cemex, Bil ta Garbi, Alios, Goyhetche

Financeur :


La création de cette filière permettra à terme de mettre sur le marché des produits finis ou semi-finis pour le secteur de la construction. La filière de la terre crue en France étant encore peu développée mais le potentiel est bien présent. Les professionnels du bâtiment et de la construction doivent être encouragés à explorer de nouvelles méthodes de construction pour réduire l’impact environnemental des bâtiments.

Bon à savoir sur la terre crue

Définition et caractéristiques

La terre crue, mélange d’argile (liant), limon, sable, graviers et cailloux, est un matériau de construction qui permet de limiter l’impact environnemental des bâtiments. Il s’agit d’un matériau largement disponible et qui nécessite peu de transformation. L’utilisation de la terre crue ne nécessite pas d’opération de cuisson au contraire de la terre cuite, du ciment ou encore de la chaux. Plusieurs techniques constructives peuvent être employées pour réaliser des ouvrages porteurs (pisé, bauge, brique de terre comprimée BTC, …) ou non porteurs (terre allégée, enduit, torchis, …).

Les caractéristiques du matériau terre crue dépendent de la nature et de la teneur de ses différents constituants. Les propriétés du matériau dépendent donc de son lieu d’extraction. Toutes les terres ne sont pas adaptées pour un usage en construction. Aujourd’hui les terres exploitées proviennent principalement de carrières (terre de carrière, terre de découverte) qui constituent des gisements conséquents de terres aux propriétés homogènes. Ces terres font donc l’objet d’une caractérisation fine qui permet de justifier de son aptitude à un usage en construction.

Les terres excavées constituent également un gisement de terre crue pour la construction, sous réserve que la matière fasse l’objet d’une caractérisation validant sa convenance pour cet usage. À ce jour la réalisation d’ouvrages en terre crue à partir de terre excavée nécessite la mise en place d’une organisation complexe (stockage de la terre, préparation, mise en œuvre) gérée chantier par chantier. L’utilisation des terres d’excavation pour la réalisation d’ouvrages en terre crue permet de réduire la quantité de déchets à évacuer tout en limitant l’empreinte environnementale des bâtiments par l’utilisation de ce matériau bas-carbone et l’économie de ressources (substitution). Le développement de cette pratique nécessite la création d’une filière de valorisation dédiée disposant des outils scientifiques, techniques et logistiques appropriés.

Comprendre la composition des sols pour construire en terre crue

La construction en terre crue utilise une terre composée de graviers, sable, limon et argile qui se situe généralement à 20 ou 30 cm de la surface, sous la couche de terre végétale – cette dernière, riche en matière organique, est inutilisable.

Lors des travaux d’excavation, la séparation des deux couches de terre (végétale et minérale) est un élément clé, afin de pouvoir utiliser ces deux couches de manière optimale. La terre végétale est précieuse aux paysagistes et agriculteurs ; tandis que la terre minérale peut être valorisée en aménagement et construction terre crue.

En complémentarité d’une caractérisation de la terre il est intéressant de procéder à la réalisation d’échantillons (prototypes) et de caractériser leur performance.

Couches du sol