Yin et Yang. Producteur et consommateur.
Les bâtiments tendent de plus en plus vers un équilibre entre consommation et production. En effet, les consommations électriques au sein des bâtiments sont en très forte croissance depuis plusieurs années. Cette croissance est due à l’augmentation des usages (appareils électroménagers, bureautique, etc.), à l’intégration de la mobilité (bornes de recharges de voitures électriques) et aux équipements techniques (production d’eau chaude sanitaire, remplacement des chaudières gaz par des pompes à chaleur, etc.).
Ces équipements fonctionnent la plupart du temps de manière indépendante, sans tenir compte de l’état du réseau électrique ni des conditions d’abonnement au fournisseur d’électricité et de la production locale d’électricité (développement des productions locales d’électricité, panneaux photovoltaïques etc.).
Parallèlement, on observe ces dernières années une augmentation d’équipements connectés (capables de communiquer leur état et d’être contrôlés à distance) et le développement d’offres de domotique permettant de contrôler ces équipements selon les préférences ou habitudes des utilisateurs. L’objectif principal est de fournir un confort d’usage aux occupants, tout en offrant des informations sur les dépenses énergétiques et l’impact environnemental, ainsi que des leviers pour réduire la consommation énergétique et optimiser les flux.
Comment maîtriser la production, l’autoconsommation et les dépenses d’énergie en période de crise et donc de tarifs évolutifs ?
Comment gérer les usages de l’électricité selon des contraintes définies comme la disponibilité de l’énergie, les impacts environnementaux, les usages ?
Pilotage intelligent des systèmes énergétiques à vecteur électrique dans le bâtiment
La capacité des bâtiments BEPOS ou en autoconsommation à devenir des nœuds interopérables et actifs du réseau électrique constitue un levier important pour gérer la flexibilité et ainsi maintenir un service continu face à des potentielles fluctuations rapides et importantes de l’approvisionnement.
Les données mesurées sont de plus en plus nombreuses et de meilleure qualité. Elles offrent de nouvelles perspectives pour un pilotage optimisé des équipements, une amélioration des performances en exploitation du bâtiment et donc une meilleure maîtrise des dépenses énergétiques.
Dans le cadre de leur équipe de recherche commune, NOBATEK/INEF4 et le laboratoire I2M de l’Université de Bordeaux se sont associés au laboratoire G2Elab de l’Université Grenoble Alpes et ont mené le projet de R&D PISE, afin d’apporter des réponses à un usage optimisé du vecteur électrique dans les bâtiments disposant de productions locales d’énergie et en autoconsommation.
L’enjeu du projet était triple :
- Développer des logiques de contrôle pour « optimiser » le fonctionnement des équipements électriques dans le bâtiment.
- Développer un environnement de simulation global du bâtiment et de ses équipements pour tester et évaluer les performances de ces logiques de contrôle.
- Déployer une méthodologie de prise de décision qui prend en compte les préférences des usagers pour mieux évaluer les performances des logiques de contrôle.
L’outil repose sur l’utilisation d’algorithmes facilitant le pilotage du bâtiment et de ses équipements (incluant les véhicules électriques) et les systèmes de production locale d’énergie. L’environnement de simulation est modulaire et évolutif.
L’efficacité et les performances des logiques de contrôle ont été testées en conditions réelles sur le siège social de NOBATEK/INEF4 à Anglet.
Un environnement de simulation à base de contrôle prédictif & de l’optimiseur OMEGAlpes*
L’environnement de simulation comprend deux éléments principaux qui échangent des données à chaque pas de temps :
- Un « Emulateur » développé sous le logiciel OpenModelica dans lequel on simule le comportement du cas d’usage utilisant des commandes générées par le contrôleur (charge ou décharge des véhicules électriques, déconnection des ordinateurs, changement de la température de consigne…).
- Un « Contrôleur » développé sous Python qui permet de générer les commandes utilisées par le cas d’usage dans l’émulateur. Au sein du contrôleur, OMEGAlpes* résout le problème d’optimisation pour obtenir la stratégie de contrôle optimale et générer les commandes optimales pour l’émulateur.
*OMEGAlpes (Optimization ModEls Generation for Energy Systems) est un méta modeleur de problèmes d’optimisation basé sur une bibliothèque extensible orienté-objet, développé par le laboratoire G2Elab de l’Université Grenoble Alpes, dans une optique open source.
Le « contrôleur » récupère les variables d’état et les conditions aux limites de l’émulateur à l’instant « t », puis les utilisent dans ses briques internes pour générer les commandes optimales pour un « horizon » de temps « t+1h» défini par l’utilisateur.
Ces commandes sont envoyées à l’émulateur pour simuler le cas d’usage avec ces nouvelles commandes entre « t+1h » et « t+2h ». On obtient ainsi les nouvelles variables d’état et conditions aux limites à envoyer au contrôleur et ainsi de suite.
Cas d’usage : le siège social de NOBATEK/INEF4 à Anglet
Afin de tester l’algorithme de pilotage, la partie électrique du bâtiment de NOBATEK/INEF4 à Anglet a été modélisée sous OpenModelica en incluant les éléments suivants :
- Une installation photovoltaïque
- 20 ordinateurs portables
- 2 Véhicules électriques
- La consommation statique composée des consommations des équipements éclairage, système CVC, ECS…
Les résultats ont montré un gain de 18 % sur la facture d’électricité et des émissions de CO2 équivalent associées en optimisant la déconnexion des PC du réseau et la charge et décharge des véhicules électriques. A l’issue de cette expérimentation, on dispose d’un environnement modulaire et évolutif qui permet de faire varier des paramètres (prédictions des consommations, prédiction des consommations, usages des équipements) pour identifier la meilleure stratégie de pilotage.
Projet SMARTEES-U : pour aller plus loin
Les résultats du projet PISE vont être approfondis dans le cadre d’un nouveau projet nommé SMARTEES-U (Suivre, Maîtriser, Agir, Réduire pour la Transition Énergétique et Environnementale des Sites Universitaires de Nouvelle Aquitaine).
Ce nouveau projet de R&D vise le développement de solutions pour accompagner les gestionnaires de sites universitaires dans leurs choix d’investissements et de mesures à appliquer pour améliorer la performance énergétique des bâtiments du parc (notamment par une meilleure maîtrise du vecteur électrique). L’approche retenue couvre le bâtiment et ses équipements avec des outils dédiés au pilotage optimisé des usages de l’énergie et au support à la maintenance à deux échelles : celle des bâtiments et celle du campus (échelle patrimoine). Le bâtiment est considéré comme un nœud du réseau et les leviers de flexibilité sont démultipliés à l’échelle du campus pour avoir un poids plus important vis-à-vis du réseau électrique.
La méthode repose sur une utilisation avancée des données mesurées mais aussi sur les approches de modélisation choisies (data-based model ou modèle simplifié ou modèle hybride) pour développer les outils proposés. Les usages sont pris en compte ainsi que les productions locales d’énergie et les véhicules électriques présents sur le site considérés comme des unités de stockage potentielles.
Projet SMARTEES-U : les objectifs
- Une meilleure compréhension du comportement des usagers, des systèmes et des bâtiments pour une identification des leviers de maîtrise de l’énergie et ainsi participer à la réduction des consommations d’énergie sur le périmètre étudié.
- Désiloter les outils (énergétique, maintenance…) actuellement déployés sur les campus et croiser les données pour en assurer une meilleure exploitation.
- Développer et tester des solutions de services énergétiques avancés sur un périmètre délimité du parc des universités.
- Évaluer le potentiel de déploiement des solutions développées sur l’ensemble d’un parc.
- Considérer l’échelle campus pour introduire les notions d’interaction avec le réseau électrique et le poids que l’ensemble des bâtiments du campus peut représenter pour un agrégateur/opérateur de flexibilité par exemple en interaction avec le marché de l’électricité.
- Évaluer le potentiel de réplication de l’approche et des solutions sur d’autres campus Néo-Aquitains et même nationaux.
Dans ce contexte, il est donc question d’étendre et d’enrichir l’environnement de simulation modulaire développé dans le projet PISE en menant les actions suivantes :
- Introduire de nouveaux algorithmes d’optimisation multicritères pour réduire les temps de calcul.
- Prendre en compte les cas d’usages et besoins établis dans le contexte universitaire.
- Identifier les leviers de flexibilité actionnables à l’échelle bâtiment et équipement pour les 4 typologies de bâtiments retenues.
- Intégrer et améliorer les fonctionnalités suivantes pour renforcer la robustesse de l’outil PISE et étendre son périmètre : modèle thermique simplifié du bâtiment, modèles des systèmes énergétiques, mécanismes de prise en compte des préférences usagers, nouveaux leviers de flexibilité, modèle d’usages, modèle de tarifications de l’énergie et modèle des systèmes de production ainsi que du stockage.
- Implémenter les simulations sur les cas d’usages sélectionnés.
- Formaliser les logiques de contrôle les plus pertinentes sous forme de grafcet pour interagir avec les responsables de bâtiment et identifier leur potentiel de déploiement.
- Mettre à l’épreuve les logiques de contrôle et les algorithmes au travers d’expérimentations courtes et évaluation des impacts et des gains générés.