Le choc énergétique vécu en 2022 a mis en exergue la nécessité de mieux gérer nos usages de l’énergie, notamment ceux de l’électricité au regard de l’état du réseau électrique. Des initiatives nationales comme l’outil météo de l’électricité ECOWATT ont suscité des écogestes au quotidien et une certaine prise de conscience du citoyen pour réduire les consommations d’électricité à l’échelle nationale.
Le cas des campus universitaires français est particulier avec des spécificités liées aux usages, à l’état du parc bâtimentaire ou encore à une dynamique – présente ou pas – de gestion énergétique et environnementale de ce parc. « Dans un environnement en pleine mutation, l’enseignement supérieur doit mener de front plusieurs transitions : transition numérique, transition énergétique et écologique, transition économique, transformation des campus en territoires d’innovation au service de l’attractivité des territoires, etc […] Il faut désormais privilégier une approche globale, permettant d’améliorer simultanément l’état du bâti, sa situation énergétique et son adéquation fonctionnelle, afin de faciliter l’émergence des campus de demain. » Source : Mme Vanina PAOLI-GAGIN, Optimisation de la gestion de l’immobilier universitaire à l’heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l’enseignement à distance, 22 septembre 2021, RAPPORT D’INFORMATION, http://www.senat.fr/rap/r20-842/r20-8425.html
Augmentation des prix de l’énergie et dysfonctionnement des systèmes
En parallèle, l’augmentation des prix de l’énergie se traduit par des factures exorbitantes pour les universités : un passage de 10 à 20 M€ a été observé sur les dépenses énergétiques en 2023. La maîtrise des énergies du parc universitaire constitue un enjeu important incluant des sous domaines comme : l’achat de l’énergie, le modèle économique associé à l’énergie (notamment celle produite localement), l’amélioration des installations et l’optimisation du mix énergétique et du suivi des performances…
Les politiques d’investissement pour une meilleure maîtrise de l’énergie et l’amélioration des installations vont donc nécessairement se renforcer.
D’autre part, les données collectées sur les sites universitaires et leurs bâtiments sont de plus en plus nombreuses et de meilleure qualité (capteurs d’ambiance installés pour la période Covid19, relevés automatisés de factures, détails de compteurs énergétiques, données associées aux GTB et aux systèmes CVC…). Elles peuvent être exploitées pour améliorer la performance en exploitation des bâtiments par la détection, de manière précoce, des dysfonctionnements des systèmes qui, à eux seuls, peuvent induire des surconsommations énergétiques de l’ordre de 25 à 50%.
Démarche pro-active des universités de Bordeaux et La Rochelle
Certaines universités comme celles de Bordeaux et de La Rochelle se sont engagées dans une démarche active avec des objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques à des horizons variés. Par exemple, l’université de Bordeaux engage une démarche proactive depuis près de 10 ans : Opération Campus (lancée en 2014), Schéma Directeur Eau Énergie (SDEE lancé en 2015), recrutement d’un Energy Manager en 2016, démarche collaborative nommée Partenariats Internes pour la Sobriété Énergétique. Ces actions associées à une réorganisation ont pour objectif de maîtriser la Performance Environnementale des sites en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de l’université. L’Université de La Rochelle mène aussi des démarches de réduction des consommations et compte parmi les 10 universités qui bénéficient à ce jour du label DD-RS (Label DD&RS – Développement Durable et Responsabilité Sociétale – de l’enseignement supérieur), obtenu en 2022.
Néanmoins, certaines de ces actions se heurtent à des verrous : suivi et échanges avec les exploitants et mainteneurs, données mesurées sous exploitées, accessibilité et structuration des données froides et chaudes, outils de suivi et de pilotage silotés, implication des usagers et occupants des bâtiments…
Projet SMARTEES-U : Suivre, Maîtriser, Agir, Réduire pour la Transition Énergétique et Environnementale des Sites Universitaires de Nouvelle-Aquitaine
Pour répondre à ces problématiques, NOBATEK/INEF4 et le laboratoire I2M ont lancé le projet SMARTEES-U (Suivre, Maîtriser, Agir, Réduire pour la Transition Énergétique et Environnementale des Sites Universitaires de Nouvelle-Aquitaine) dans le cadre de leur équipe de recherche commune, en partenariat avec l’Université de Bordeaux, les laboratoires G2ELab et le LaSIE – Université de La Rochelle, avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine.
Objectif : proposer de nouveaux services aux universités basés sur les données mesurées et collectées sur les campus et qui leur permettent de répondre aux objectifs de :
- Maîtrise et de réduction des consommations d’énergie : produire des outils pour mieux comprendre les charges électriques du campus, capitaliser sur cette connaissance afin de prédire et anticiper, faire de l’optimisation tarifaire quand cela est possible en gérant au mieux les leviers de flexibilité à l’échelle du bâtiment mais aussi du campus.
- Amélioration du pilotage et de la maintenance des bâtiments et équipements : apporter un support aux mainteneurs en tirant profit des données collectées, proposer des gisements de flexibilité aux agrégateurs…
- Meilleure gestion du patrimoine : définir une stratégie moyen terme autour de la planification des systèmes énergétiques des campus vis-à-vis des incertitudes de prix de l’énergie.
Les universités de Bordeaux et La Rochelle offrent les terrains d’expérimentation idéaux pour tester les outils développés et évaluer l’impact et les gains générés par de telles approches. Elles offrent également la possibilité d’impliquer une grande diversité d’acteurs dans une démarche collaborative pour la maîtrise de l’énergie (fournisseur de service, mainteneurs, gestionnaire de réseaux, voire les occupants).
Le projet SMARTEES-U permet également de poursuivre la collaboration entamée avec le laboratoire G2Elab sur un cas d’usage réel et réplicable, et de pousser les développements réalisés dans un précédent projet, le projet PISE (Pilotage Intelligent des Usages de l’Électricité). Il s’agit désormais de perfectionner et de challenger l’environnement de simulation à base de contrôle prédictif et de l’optimiseur OMEGAlpes du G2Elab, mais également d’aborder l’évaluation et le pilotage de la flexibilité énergétique à l’échelle d’un campus.
Approfondir les résultats du projet PISE
Dans le cadre de leur équipe de recherche commune, NOBATEK/INEF4 et le laboratoire I2M de l’Université de Bordeaux se sont associés au laboratoire G2Elab de l’Université Grenoble Alpes pour mener un premier projet de R&D nommé PISE (Pilotage intelligent des systèmes énergétiques à vecteur électrique), afin d’apporter des réponses à un usage optimisé du vecteur électrique dans les bâtiments disposant de productions locales d’énergie et en autoconsommation.
L’environnement de simulation du projet PISE comprenait deux éléments principaux qui échangent des données à chaque pas de temps : un « Émulateur » développé sous le logiciel OpenModelica et OMEGAlpes, Un « Contrôleur » développé sous Python. Ce sont les résultats de ce projet vont être approfondis dans le cadre de SMARTEES-U.
OMEGAlpes : un outil d’aide à la décision permettant d’exploiter au mieux la flexibilité offerte par les systèmes énergétiques d’un quartier
OMEGAlpes (Optimization ModEls Generation for Energy Systems) est un modeleur open-source de problème d’optimisation énergétique à l’échelle quartier basé sur une bibliothèque extensible orienté-objet, développé par le laboratoire G2Elab de l’Université Grenoble Alpes, dans une optique open source.
La force de cette solution repose notamment sur la mise à disposition de modèles énergétiques pilotables, comme par exemple des modèles de consommation flexible, adaptés à l’étude de scénario de pilotage de la charge. L’objectif est d’offrir aux différents acteurs du monde de l’énergie une aide pour concevoir, dimensionner, et gérer les systèmes énergétiques au niveau des quartiers. (source : https://g2elab.grenoble-inp.fr/fr/recherche/omegalpes)
SMARTEES-U : Zoom sur la thèse et le post-doctorat
NOBATEK/INEF4 maintient une forte activité en faveur de la recherche doctorale en relation avec ses partenaires académiques. Les thèses et post-doctorats menés en équipe commune de recherches s’appuient sur des projets de R&D encadrés par les laboratoires des Universités d’Aquitaine. Ils renforcent le socle de ressourcement et les partenariats dans une feuille de route scientifique et technologique partagée. Ainsi, le projet SMARTEES-U accueille une thèse et un post-doctorat.
- Caractérisation des flexibilités énergétiques des parcs de bâtiments universitaires de Bordeaux et de La Rochelle : une thèse menée au sein de NOBATEK/INEF4, par Cyprien Beaudet, ingénieur en Génie Climatique et Energétique (INSA de Strasbourg). Cette thèse est co-encadrée par Pascale Brassier (NOBATEK/INEF4), Jérôme Le Dreau (LaSIE) et Christian Inard (LaSIE).
- Développement de stratégies d’utilisation optimisée de l’énergie électrique dans un contexte d’autoconsommation collective : un post doctorat mené au sein de l’Université de Bordeaux par Fatima Zohra Benali, docteure en Énergétique et Génie de Procédés (Mines Paris tech). Ce post-doctorat est co-encadré par Laurent Mora, Thomas Recht et Maxime Robillart (I2M) et Frédéric Wurtz (G2Elab).
Cyprien Beaudet et Fatima Zohra Benali