Les atouts du BIM en phase exploitation (BIM GEM) restent sous-estimés en raison du manque de connaissances, de retours d’expérience et d’outils adaptés alors que les sommes investies pour l’exploitation, la maintenance puis la démolition d’un bâtiment comptent en moyenne pour 75% de son coût global (calculé sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment).
Parallèlement d’autres facteurs impactent aujourd’hui négativement le déploiement de l’approche BIM-GEM : interopérabilité entre les composants remontant les données et les différents outils logiciels impliqués dans la phase de maintenance (GMAO[1], GTB[2], SME[3]…), maquette exploitation spécifique nécessaire avec un niveau d’informations adapté, services adaptés aux besoins des acteurs de la maintenance…
Néanmoins, de plus en plus d’initiatives se déploient aujourd’hui autour du jumeau numérique et ce, à différentes échelles. Certains acteurs se sont déjà lancés ou se lancent aujourd’hui dans des démarches systémiques permettant d’adresser l’approche BIM GEM et d’implémenter des Jumeaux Numériques de leurs parcs de bâtiments. Cependant, on trouve encore peu d’exemples concrétisant une démarche BIM GEM complète croisant tous les outils de la phase opérationnelle et allant jusqu’au bout de la démonstration en situation réelle.
SEML Route des Lasers, SPINALCOM, Eiffage Energie Systèmes Aquitaine et NOBATEK/INEF4 ont relevé ce challenge en déroulant une démarche systémique de BIM GEM sur les bâtiments de la SEML Routes des Lasers. En effet la SEML Route de Lasers disposait en amont de bases solides en termes de structuration et de collecte de données et d’outils BIM pour la gestion de son patrimoine.
Deux approches complémentaires ont ainsi été mixées :
- L’approche opérationnelle de la SEML qui permet le déploiement concret d’un jumeau numérique et la concrétisation de l’interopérabilité entre les outils.
- L’approche servicielle autour de la donnée rendue possible grâce à la présence d’un BOS (SPINALCOM, pour faire converger toutes les données dans un même outil) et de modules de traitements avancés (pour extraire l’information utile et délivrer le service à proprement parlé autour de la donnée).
Quelle est la recette ? Comment se préparer pour déployer une telle démarche ?
[1] Gestion de la Maintenance assistée par Ordinateur -[2] Gestion Technique du Bâtiment – [3] Système de Management de l’Energie
Crédits photos : Bâtiment GENIAH SEML Route des Lasers
Corentin Tessier Responsable méthodes maintenance chez Eiffage Énergie Systèmes
L’observation des installations sur le terrain a montré que les unités de climatisation étaient hautes en températures sans en avoir l’information sur la GTC. L’utilisation du module BIM GEM-E ainsi qu’un processus inversé nous ont permis de résoudre cette problématique. En effet, nous avons utilisé les caractéristiques des clims ainsi que les températures ambiantes afin de déterminer la température de consigne qui amenait à ces conditions de hautes températures. L’affichage de la Supervision ne laissait paraître aucun disfonctionnement de paramétrage des températures alors que celles-ci étaient au-delà des températures recherchées. Les outils développés dans le projet BIM GEM-E nous ont donc apporté une méthode de calcul et de raisonnement permettant de résoudre ce problème jusqu’alors inconnu et d’économiser de l’énergie.
Des cas d’usages précis de BIM GEM
Premier prérequis pour mener une démarche BIM GEM à bien : la définition des cas d’usages précis et leur déclinaison en besoin de données. Ces cas d’usages ne vont pas uniquement encadrer la forme et le fond des modèles numériques BIM, mais également tous les outils destinés à l’exploitation maintenance.
Contrairement à une démarche BIM conception ou construction, la démarche BIM GEM porte non seulement sur les données descriptives mais aussi sur un nouveau type de données :
- Les données opérationnelles (nécessitant une intervention humaine) des actions menées par les gestionnaires, exploitants et mainteneurs des bâtiments. Ces données proviennent d’autres outils et systèmes d’informations tel que les ERP, CRM, gestion locative, IWMS, GMAO…
- Les données dynamiques décrivant les changements d’état du bâtiment et de ses équipements. Elles proviennent des capteurs et des systèmes pilotables et communicants (températures, consommations électriques, débits, pression, production photovoltaïque…).
Ces données font partie intégrante des cas d’usage et en fonction des cas d’usages retenus, certains outils métiers et certains types de données spécifiques seront utilisés.
Crédits photos : Bâtiment SIRAH8692 SEML Route des Lasers
L’interopérabilité des outils
Second prérequis : disposer d’outils interopérables pour que les données puissent être communiquées, échangées automatiquement entre eux. Les partenaires ont géré cela en utilisant le BOS de SPINALCOM, véritable orchestrateur des différents organes essentiels à une approche BIM GEM à savoir une GTB, une GMAO, une infrastructure terrain de capteurs, compteurs et automates… Les API du BOS ont également été mobilisées pour que les modules de traitement avancé puissent envoyer des données vers le BOS qui à son tour envoit des informations vers la GMAO.
Une infrastructure robuste et un modèle de données structuré
Troisième prérequis : disposer d’une infrastructure terrain robuste et d’un modèle de données structuré et commun à tous les outils. Le paramétrage de la régulation (système GTB) doit suivre une charte de codification et nommage des points. Le nommage des équipements dans les automates doit correspondre au nommage dans les modèles BIM également, ou à défaut une convention de nommage doit être établie permettant de créer un lien entre les informations présentes sur la maquette et les données remontées de la GTB pour acheminer l’information du monde physique de la GTB vers le monde numérique du jumeau numérique.
L’utilisation du BOS garantit également une maquette numérique à jour : le fait que le référentiel de description du bâtiment soit au cœur du BOS permet de répercuter toute mise à jour de ce référentiel à tous les silos de données du bâtiment que le BOS gère, l’application BIM-GEM comprise, ce qui garantit à l’ensemble de ces silos de parler le même langage. Ainsi, une consigne de température au même titre qu’une demande d’intervention ou une mise à jour de document peut être propagée à tous ceux qui en ont besoin et garder le jumeau numérique du bâtiment à jour en temps-réel.
Crédits photos : Bâtiment SIRAH8692 SEML Route des Lasers
BIM GEM : De véritables services pour la maintenance
Les partenaires sont donc parvenus à interconnecter le BOS SPINALCORE, la GTB du bâtiment GIENAH, la GMAO MISSION utilisée par le mainteneur du site, EIFFAGE Energie Systèmes Aquitaine, et les modules de traitement avancé, pour certains basés sur l’IA, des données développés par NOBATEK/INEF4 afin de délivrer de véritables services pour la maintenance sur la base des données mesurées sur le bâtiment.
- Module de maintenance prédictive et de surveillance des installations :
- Création de demandes d’interventions automatisée sur la base de règles prédéfinies appliquées aux données GTB. L’alarme générée est géolocalisée. Basés sur l’expérience du mainteneur sur les symptômes des dysfonctionnements des équipements, ces symptômes ont été transcrits sous-formes de règles appliquées aux valeurs des capteurs remontant de la GTB vers le BOS.
- Affichage de toutes les informations requises pour la compréhension et l’aide au diagnostic d’une Demande d’Intervention (DI) par le mainteneur.
- Module de commissionnement continu des installations : identification automatique des points de fonctionnement des CTA, vérification de la performance de l’échangeur et génération d’alertes automatiques en cas d’anomalie de fonctionnement détectée.
- Module de suivi énergétique : création de modèles probabilistes des consommations énergétiques (climatisation, chauffage, prise de courant, éclairage…) du bâtiment sur la base de données historiques et détection de dérive par raport à cette référence et identification de surconsommations.
EIFFAGE Energie Systèmes Aquitaine a testé ces outils sur le terrain afin de construire un retour d’expérience qui doit aider à mieux comprendre aujourd’hui ce qui marche, ce qui ne marche pas et ce qui peut encore être amélioré.