Dans le contexte actuel de hausse croissante des prix de l’énergie, NOBATEK/INEF4 a décidé de ne pas subir, mais d’agir concrètement sur les consommations énergétiques des bâtiments tertiaires de bureaux qu’elle occupe à Anglet et Bordeaux, en s’inspirant de la stratégie d’adaptation du manchot appliquée au bâtiment. Démonstration.

 

Comment le manchot empereur parvient-il à survivre avec près de -200°C ressentis en Antarctique ? Grâce à une série d’adaptations anatomiques, physiologiques et comportementales qui lui permettent notamment de maintenir sa température corporelle en dépensant un minimum d’énergie. Un concept qui a inspiré les équipes de NOBATEK/INEF4 cet hiver.

La stratégie du manchot appliquée au bâtiment

L’approche implémentée repose sur une approche PDCA (Plan – Do – Check – Act) contextualisée à la norme internationale ISO 50001 : Systèmes de management de l’énergie qui consiste en 4 étapes :

  • Planifier : procéder à la revue énergétique du bâtiment et définir la consommation de référence, les indicateurs de performance énergétique (IPÉ), les objectifs, les cibles et les plans d’actions nécessaires pour obtenir des résultats qui permettront d’améliorer la performance énergétique, en cohérence avec la politique énergétique de l’organisme.
  • Faire : appliquer les plans d’actions de management de l’énergie.
  • Vérifier : surveiller et mesurer les processus et les caractéristiques essentielles des opérations qui déterminent la performance énergétique, au regard de la politique et des objectifs énergétiques, et rendre compte des résultats.
  • Agir : mener à bien des actions pour améliorer en permanence la performance énergétique et le Système de Management de l’Énergie.
Cycle PDCA

Figure 1. Cycle PDCA (« Planifier-Réaliser-Vérifier-Agir » en français)
contextualisée à la norme ISO 50001

 

La stratégie qui en a découlé surnommée « Stratégie du manchot » avait pour objectif d’optimiser le fonctionnement des systèmes techniques de bâtiments et de sensibiliser davantage les salariés à la sobriété énergétique. Cela afin de réduire la consommation énergétique, la facture d’approvisionnement et de partager le retour d’expérience de cette expérimentation avec l’ensemble des acteurs du domaine de la construction.

La « Stratégie du manchot » appliquée à la gestion d’un bâtiment comprend des mesures peu coûteuses, faciles et rapides à implémenter, avec des impacts immédiats. Par opposition à des actions plus lourdes et coûteuses sur l’enveloppe ou les systèmes avec des temps de retour sur investissement beaucoup plus longs.

Une équipe transversale a été constituée avec les personnes les plus motivées sur chacun des sites (nos « ambassadeurs), ayant des compétences et des responsabilités différentes issues des services techniques, des services administratifs et de direction.

L’équipe projet a collecté les données de consommation énergétique des bâtiments issues de différentes sources (GTB, factures énergétiques) pour établir la consommation de référence.

En parallèle, un plan d’actions a été défini basé en grande partie sur les actions et le retour d’expérience du projet européen DR-BOB dont NOBATEK/INEF4 était l’un des partenaires. Les salariés ont également été invités à s’exprimer pour partager leurs idées sur les actions à implémenter.

Des actions peu coûteuses et faisant appel au bon sens

L’ensemble des actions a été implémenté sur le siège de NOBATEK/INEF4 à Anglet, exploité par nos seules équipes. Certaines d’entre elles, ont également pu être implémentées sur les locaux de Bordeaux gérés et exploités par une entreprise externe.

Bâtiment NOBATEK/INEF4

Sur le système de génération et de distribution de chauffage : une température à 19°C et le regroupement des équipes

La consigne de température ambiante dans les bureaux et open spaces a été abaissée à 19°C, dans tous les locaux chauffés du bâtiment, en accord avec le plan de transition énergétique du 6 octobre 2022 du Ministère de Transition écologique.

En parallèle, les surfaces chauffées ont été réduites par la fermeture du plancher chauffant de l’open space du RDC. Bénéficiant fréquemment de postes de travail vacants au 1er étage (déplacements, réunions, temps partiels, congés, télétravail…), les équipes du RDC ont été invitées à se regrouper au 1er étage tout comme le font les manchots pendant les pics de froid.

Enfin, l’énergie consommée par le système de génération de chaleur du bâtiment, 2 pompes à chaleur air-eau, a été divisée quasiment par 2 en n’utilisant plus qu’un seul des deux générateurs. Néanmoins, ce second générateur de chaleur pouvait se mettre en marche lors des pics de froid uniquement par une action manuelle depuis l’interface de supervision du système de GTB.

Sur le système de climatisation de la salle serveur : abaisser la climatisation et évacuer la chaleur

Le système de climatisation de la salle serveur est un système qui fonctionne 24H/24  & 365J/365. Il génère ainsi des consommations énergétiques non-négligeables. Suite à l’analyse expérimentale des besoins du serveur et le retour d’expérience du projet DR-BOB, une action en deux étapes a été définie :

  1. Augmenter la consigne de température de climatisation de la salle serveur de 21°C à 28°C en validant au préalable le bon fonctionnement des composants du serveur et de l’infrastructure de télécommunications à une telle température.
  2. Ouvrir la porte de la salle serveur donnant sur la salle à manger pour permettre l’évacuation de la chaleur générée et éteindre totalement le système de climatisation. Bénéfice collatéral : le réchauffement passif de l’espace de déjeuner. La température dans le local serveur est mesurée par une sonde de température installée dans la baie informatique. Au delà de 35°C, la sonde envoie une alerte mail à l’équipe projet l’invitant à mettre en route manuellement le système de climatisation.

Ces actions ont été développées et mises en place en concertation avec le responsable informatique de NOBATEK/INEF4.


Sur le système de ventilation : un fonctionnement alterné des CTA

Dans le bâtiment d’Anglet, le système de ventilation est composé de 2 centrales de traitement d’air (CTA)  dont une pour la grande salle de réunion au RDJ et une pour le reste du bâtiment. Ces centrales de traitement fonctionnent en permanence durant les heures d’occupation du bâtiment.

Nous avons mis en place un fonctionnement alterné des 2 CTA 1 heure sur 2 via une configuration de l’interface de supervision du système de GTB du bâtiment. Pour s’assurer que les conditions hygiéniques étaient respectées, la qualité de l’air intérieur a été monitorée en continu via des capteurs de taux de CO2 dans plusieurs salles de réunions où les rassemblements de personnes étaient possibles. Dans le cas de concentrations élevées de CO2 constatées, les salariés ont eu recours à la ventilation naturelle en ouvrant les fenêtres. Néanmoins, ces situations ont été peu fréquentes en cette saison.

En fonction de la configuration initiale avant l’implémentation de cette mesure, l’approche déjà testée dans le cadre du projet DR-BOB permet de diviser la consommation électrique du système de ventilation d’un bâtiment par 2 au minimum.

Figure 2. Programme hebdomadaire de fonctionnement des CTA du bâtiment

Sur l’éclairage extérieur : reprogrammation des heures de fonctionnement

L’éclairage extérieur du bâtiment est composé de 4 lampadaires installés sur le parking. Ils sont allumés à partir de 5h du matin jusqu’au moment où le rayonnement solaire atteint le seuil de 2 W/m². Le soir, entre le moment où le rayonnement descend en dessous de ce seuil et minuit.

Les heures de fonctionnement ont été reprogrammées en décalant l’horaire d’allumage le matin (plus tard) ainsi que celui d’extinction (plus tôt) le soir. Cette action a été définie en concertation avec le personnel de nettoyage étant le plus impacté par l’éclairage extérieur lors des interventions matinales (à partir de 5h du matin).

Figure 3. Nouvelle planification d'utilisation d'éclairage extérieur

Figure 3. Nouvelle planification d’utilisation d’éclairage extérieur

 


Sur les imprimantes et photocopieurs : calibrage du temps de passage en basse consommation

Les imprimantes de bureau multifonction et les photocopieurs sont très présents dans les bâtiments tertiaires. D’un bâtiment à l’autre, le nombre d’appareils peut varier considérablement en fonction de la taille du bâtiment et du nombre de bureaux. Ces appareils ont généralement 4 modes de fonctionnement : mode copie/impression, mode en attente, mode basse consommation ou éco et mode veille prolongée. La plupart du temps, ils ne sont pas utilisés pour des travaux d’impression/photocopie, et se trouvent en attente. Dans ce mode, l’imprimante/photocopieur consomme une centaine de wattheures d’énergie minimum. Les configurations par défaut varient également d’une imprimante à l’autre.

Nous avons choisi de les unifier sur un temps de passage en mode basse consommation ou éco assez court, de l’ordre de 5 minutes. En mode basse consommation ou éco, les utilisateurs peuvent recevoir des télécopies ou imprimer des documents, mais ne peuvent pas réaliser de photocopies sans appuyer sur le bouton Économie d’énergie. Dans ce mode, la consommation électrique de l’imprimante/photocopieur est généralement divisée par 2.

Un calendrier de mise hors tension/sous tension a également été configuré sur chacune de nos imprimantes/photocopieurs pour éviter le fonctionnement non-utile des imprimantes pendant la nuit.

Figure 4 : Réglage des imprimantes et photocopieurs

Sensibilisation des salariés sur la consommation d’éclairage intérieur et des accessoires informatiques

 

Dans les bâtiments tertiaires, l’usager joue un rôle primordial dans la gestion énergétique et constitue ainsi un levier majeur dans les économies potentielles à réaliser.

Pour limiter encore plus nos consommations énergétiques et éviter les déperditions de chaleur des volumes chauffés vers les volumes non-chauffés, des actions supplémentaires ont été définies pour sensibiliser les salariés en leur donnant des outils simples et des bonnes pratiques de gestion de leur espace de travail.

Figure 5 : Usage des stores intérieurs 

  • Pour limiter les consommations de veille, nous avons fourni des multiprises pour pouvoir brancher tous les équipements de bureaux et les éteindre plus facilement en partant sur les pauses du midi et le soir ;
  • Les open spaces sont des espaces plutôt mal chauffés en raison de leurs grands volumes et de l’absence de cloisons et l’atrium est axé sur la façade Sud. Pour pouvoir garder les calories de chauffage dans les open spaces l’hiver et se protéger du rayonnement solaire du Sud en été, nous y avions installé des stores micro-perforés il y a quelques années. Dans le cadre de cette campagne de sensibilisation, nous avons rappelé l’importance de baisser ces stores pendant l’hiver pour garder les calories de chauffage dans le volume des open spaces.
  • En parallèle de la reconfiguration automatique des imprimantes/photocopieurs, un rappel sur les bonnes pratiques d’extinction des imprimantes/photocopieurs le soir en partant a été fait. La règle instaurée étant que le dernier à partir vérifie que tout est bien éteint, y compris l’éclairage intérieur et les imprimantes/photocopieurs.

Sur le contrat de fourniture d’électricité : réévaluer la puissance souscrite

Les actions précédentes visaient à réduire la consommation énergétique des systèmes du bâtiment et à optimiser les usages de l’énergie en activant le levier des occupants. Un autre paramètre/levier doit être considéré lorsque l’on souhaite réduire sa facture énergétique :  c’est la puissance souscrite dans le cadre du contrat de fourniture d’électricité.

L’analyse de l’historique de la courbe de charge du bâtiment des 2 dernières années a révélé qu’une optimisation était possible au niveau de la puissance souscrite : malgré une puissance souscrite de 60 kVA, la puissance instantanée du bâtiment ne dépasse que très rarement la puissance de 36 kVA (un peu plus de 7 heures seulement sur les 735 jours analysés). Cela correspond à une pénalité financière de la part d’ENEDIS qui s’élève à une valeur totale situant aux environs de 105 € (en partant du coût de 15 €/heure de dépassement de puissance).

Figure 64. Historique de courbe de charge du bâtiment depuis 2020

Figure 6. Historique de courbe de charge du bâtiment depuis 2020

Afin de diminuer la facture d’approvisionnement électrique, une baisse de puissance souscrite a donc été appliquée à la valeur de 36 kVA pour les 3 postes horosaisonniers et 37 kVA pour le dernier poste horosaisonnier. Une telle configuration a été choisie pour rester dans le segment C4 (ex-tarif Jaune) et laisser une marge pour une augmentation future des consommations énergétiques suite à une augmentation des effectifs éventuelle. Le coût de l’intervention du technicien ENEDIS pour réaliser cette modification s’élève à 81€ HT.

Des gains énergétiques et financiers à la clé

Les gains mentionnés dans le tableau ci-dessous ont été calculés par rapport à la période de référence qui a été définie avant la mise en place de la stratégie des manchots. La comparaison en % a été effectuée avec les mêmes mois de la saison 2021-2022.

Table 1. Résultats d’analyse des données issues du système de GTB du bâtiment en valeur ajustée aux conditions climatiques de l’année de suivi

Les comparaisons avec des consommations énergétiques de référence ont été faites en valeur ajustée aux conditions climatiques de l’année de suivi (DJU) pour les consommations énergétiques du système de chauffage. En considérant uniquement les données issues des factures d’approvisionnement énergétique (€), les gains observés sont encore plus importants en lien avec la modification de la puissance souscrite et la modification des prix du kWh.

Table 2. Données de factures énergétiques et gains énergétiques et financiers associés

La différence entre les gains énergétiques et financiers du mois de janvier 2023 vient d’une hausse importante de prix du kWh appliquée à partir du 1er janvier 2023.

 

Les résultats obtenus sur les 2 premiers mois de fonctionnement de notre « Stratégie du manchot » témoignent de la possibilité d’économies d’énergie notables en appliquant des mesures simples, peu coûteuses et générant des impacts immédiats, sans investissements lourds de rénovation globale ou de changement des systèmes. Cette approche repose sur des compétences en exploitation de bâtiments, audits énergétiques et mesure et vérification. Elle est notamment issue des différents projets innovants menés au sein NOBATEK/INEF4.

Cela passe également par l’utilisation d’un certain nombre d’outils :

  • Système de monitoring des consommations énergétiques pour le suivi et le calcul d’impact des actions implémentées ;
  • Système de monitoring d’autres paramètres d’ambiance dans le bâtiment comme les températures et la qualité de l’air intérieur dans certaines salles
  • Système de GTB pour le pilotage automatisé de certains systèmes du bâtiment

Nos équipes cumulent plus de 15 années d’expérience sur le sujet de la mesure et de la vérification des performances énergétiques des bâtiments et de leurs équipements à l’échelle nationale et européenne notamment grâce à des projets d’évaluation des performances pour des clients privés et publics, ainsi que plusieurs projets européens (PVSITES, E3SOHO, BEEM-UP, DR-BOB, HyBUILD).