Agnès LANGEVINE est vice-présidente du Conseil Régional Occitanie et 2eme Vice-présidente Climat, Pacte vert et Habitat durable
Ces propos sont issus des Rencontres associés et partenaires de NOBATEK/INEF4 qui ont eu lieu le 17 septembre 2021 à Anglet.
« La Région Occitanie en route pour être la première région à énergie positive en Europe »
En 2016, la Région a adopté une trajectoire pour placer l’Occitanie – ses territoires et ses acteurs- comme première région à énergie positive en Europe. Très concrètement cela signifie de couvrir l’ensemble de nos consommations d’énergie finale par de la production d’EnR ici dans nos territoires
La méthode que nous avons coconstruite avec plus d’une centaine d’experts (du citoyen jusqu’à l’énergéticien en passant par les entreprises et les élus des collectivités locales) est inspirée du scénario type Negawatt selon deux axes : la prod d’énergie mais aussi et surtout la sobriété et l’efficacité énergétique.
Ce scénario – ce cap !- nous a permis, dans un contexte de fusion des régions en 2016, à la fois de bien réévaluer les marches que nous avions à gravir à partir d’hypothèses purement régionales (démographie, gisements importants pour les EnR, l’écosystème entreprenariat, l’engagement des élus bien sûr) et de créer des outils pour embarquer tous les acteurs puisque ce scénario n’implique pas l’institution Région mais bel et bien la Région dans tout son territoire.
« Massifier est l'enjeu majeur pour les Régions afin de réussir la transition écologique et énergétique »
Avec cette trajectoire, nous devons multiplier par 3 la production d’énergie renouvelables en Occitanie et ce qui équivaut multiplier par 12 le photovoltaïque ou par 7, l’éolien terrestre. Sur le volet sobriété nous connaissons les postes les plus émetteurs de GES dont l’empreinte écologique est importante : les transports, le bâtiment, l’industrie et l’agriculture. Sur les transports nous devons engager une réduction de consommation de l’ordre de -60%. Sur les bâtiments, en fonction du parc de logements existants il s ‘agit c’est une réduction de 26%, avec un engagement très fort de la Région Occitanie sur la rénovation du parc de logements, le logement social mais aussi le logement classique avec l’appui et la mobilisation des acteurs du secteur- afin de massifier.
MASSIFIER est l’enjeu majeur pour les Régions afin de réussir la transition écologique et énergétique et atteindre, pour la Région Occitanie, un rythme de 52 000 rénovations chaque année. Et il n’est ici question que de logement, c’est donc sans compter le tertiaire ou l’industrie. L’objectif est d’atteindre très vite 70 à 72 000 rénovations par an alors que nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 40 000.
Nous avions jusqu’à présent des outils assez classiques d’aides directes, des écochèques qui venaient s’adosser à des dispositifs de l’Etat ou d’autres collectivités. Mais depuis le 1erjanvier 2021, nous avons changé d’échelle. Etant donné que les Régions sont chefs de file « climat & énergie », nous avons déployé un vrai service public de la rénovation qui s’appelle « RenovOccitanie » en lien avec le programme « SARE. »RenovOccitanie » consiste à proposer un parcours de rénovation du logement : fournir de l’information, du conseil de premier niveau jusqu’à la réalisation des travaux en passant bien sûr par les étapes de diagnostic, l’accompagnement, la recherche d’entreprises puis des devis, jusqu’à une offre de financement complémentaire. Nous avons mobilisé 80M€ de la banque européenne d’investissement (BEI) pour se substituer à des offres bancaires qui ne correspondent pas vraiment au marché de la rénovation énergétique. Nous prêtons le reste à charge dans des conditions très incitatives pour lever tous les obstacles à cette rénovation.
« La rénovation énergétique est une rénovation globale »
En effet, pour nous, la rénovation énergétique- et ce n’est pas toujours le cas dans les dispositifs de l’Etat – est une rénovation globale, niveau BBC, avec à minima un gain d’efficacité d’au moins 40%- et nous constatons en moyenne plutôt- 60%, donc des paniers rénovation entre 22k et 25k € d’où cette nécessité de lever tous les freins. Ce dispositif s’appuie sur un maillage territorial de 32 guichets uniques en Occitanie pour accompagner les propriétaires. Cela fonctionne plutôt bien, les premiers chiffres et les premiers retours sont encourageants.
Dans cet esprit de massification, ce que l’on sait moins bien faire, mais nous ne sommes pas les seuls à essayer de trouver le bon modèle, c’est la rénovation des copropriétés. En effet il faut entrainer 200/300/500 propriétaires qui ont des profils, des motivations, des revenus, des âges différents et entrainer la décision du syndic. C’est donc plus compliqué et nous mobilisons des moyens importants pour l’accès à la maîtrise d’usage pour créer, très en amont, cette dynamique et faire en sorte que tout le monde y trouve son compte, son bénéfice. Notre objectif est d’embarquer tous les propriétaires, dans les grands enjeux en Occitanie, sur l’héritage de la mission RACINE. Par exemple la Grande Motte et le littoral, dont le parc de logements a été conçu pour du tourisme avec des performances énergétiques et des modes de chauffage « façon grille-pain » constitue aujourd’hui une réserve foncière importante avec des transformations en résidence principale. Nous avons aussi de grands ensembles, des grandes copropriétés dans les stations de ski, mais aussi dans les métropoles et villes moyennes d’Occitanie.
« Tous nos dispositifs sont adossés à l’empreinte ressource/carbone »
Concernant la dimension bas carbone, nous disposions du dispositif NoWatt qui a connu un grand succès mais doit être repensé car tous les budgets ont été consommés. Dans le cadre de la recherche d’exemplarité, il s’agissait de mesurer tout le cycle de vie du bâtiment, de son empreinte ressource jusqu’à sa fin de vie, y compris sa déconstruction. Les financements mobilisaient des fonds européens, avec des enveloppes importantes mais dont les systèmes de bonifications étaient adossés à l’empreinte ressource/carbone de la construction ou de la rénovation ce qui incluait l’utilisation de matériaux bio sourcés. (on rejoint là aussi un autre chantier de structuration de filière en Occitanie, par ex autour du chanvre). Cela fait partie de la massification. Tous les dispositifs sont donc conditionnés à l’empreinte ressource/carbone et à l’ACV et même bonifiés pour être plus incitatif et monter le niveau de l’exemplarité.
Néanmoins il existe un autre volet dans la question climat et transition : celui d’une approche globale beaucoup plus transversale où l’on travaille sur l’empreinte ressource et sur les chaînes d’approvisionnement. En effet, le secteur du bâtiment est fortement importateur de produits manufacturés avec son lot de cassures et de ruptures très importantes, notamment durant la crise sanitaire, et qui se traduisent par des hausses de prix pour les clients, des devis qui ne sont pas honorés, des difficultés de recrutement. (pour lesquelles un travail sur l’attractivité des métiers du bâtiment doit être également entreprise pour leur donner plus de sens, avec l’Economie circulaire, les matériaux bio-sourcés, la lutte contre les émissions de GES par exemple. Au vu du dernier rapport du GIEC, le bâtiment, la construction, l’aménagement sont des axes centraux…)
L’enjeu du mandat qui s’ouvre, sur tous les champs de la lutte pour le climat et la transition, est vraiment la question du changement d’échelle, de la massification et donc de l’outillage régional, mais aussi des collectivités, des décideurs publics, privés, des aménageurs, etc.
« La question de l’expérimentation et des démonstrateurs est cruciale »
Dans ce contexte, la question des démonstrateurs, de l’expérimentation est cruciale, non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan de l’accompagnement de la maîtrise d’usage. Nous travaillons beaucoup sur comment entrainer la décision de la rénovation, sur l’exemplarité mais aussi sur le modèle économique.
Nous avons également des expérimentations de déconstruction, notamment le palais des expositions de Toulouse comme démonstrateur avec un modèle économique à répliquer. Nous devons, en 5 ans, basculer le modèle. Il faut donc à la fois des démonstrateurs, mais aussi des capacités de changement d’échelle et d’essaimage très rapide. 5 ans c’est court dans le temps de l’’aménagement, le temps de la ville ou le temps politique. Dans ce paradoxe que nous devons surmonter, l’outillage, la méthode, l’ingénierie, les solutions très concrètes sur les territoires, la capacité à mobiliser des financements que ce qui était des démonstrateurs, les expérimentations et les initiatives pilotes, deviennent la règle.
« L’urbanisme circulaire une révolution de l’acte de la construction, de l’aménagement et de la requalification »
La déconstruction est donc chantier prioritaire en Occitanie en lien avec la mise en œuvre de la zéro artificialisation nette mais aussi de toutes ces conciliations d’enjeux sur : se nourrir en proximité, en circuit court, qui veut dire produire local, donc la question foncière, la question des sols et du stockages carbone, la question de la biodiversité, donc la question de la requalification des friches, la question de la désimperméabilisation des sols, des ilots de chaleur
En effet, beaucoup de sujets viennent révolutionner – ou à minima entrainer – la mutation de l’acte de la construction, de l’aménagement ou de la requalification.